Cette lettre fait partie d’un échange avec Coralie, jeune maman qui a choisi de pratiquer, en accord avec le père, une éducation positive avec son enfant de 4 ans. Elle s’informe et lit régulièrement des ouvrages et des articles qui traite de la parentalité positive.
Ce jour-là, après s’être laissée complètement déborder par une crise de colère de son petit, elle retrouvait un article sur « Comment gérer les crises de colère de son enfant ».
Cet article, au lieu de l’aider, la désespérait car elle se sentait bien loin de mettre en place les conseils pour « accueillir les colères de son enfant. » Elle me confiait son sentiment d’échec et d’impuissance.
« Chère Coralie,
Concernant l’article dont tu me parles, je le trouve en effet fort intéressant, mais je vois aussi combien il te plonge dans le désarroi et la culpabilité.
Je crois que l’important est l’Intention. Tu t’intéresses à la Parentalité Positive que tu t’efforces de mettre en œuvre. Ce souhait est ta boussole. En gardant cette intention, il y a des jours où ça marche et d’autres où tu es débordée et ça ne marche pas. Accorde-toi les erreurs. Bien sûr que c’est difficile de se dire qu’on a hurlé sur ses petits et qu’on n’aurait pas dû, que ça les malmène. Certes, mais ils développent aussi des résiliences face aux adversités de la vie. Je devine que ce que je dis doit te paraître banal et ne pas te consoler. Je le comprends mais j’insiste car la Parentalité c’est aussi pour la maman que tu es. Une maman qui a besoin de s’accueillir aussi elle-même dans ses difficultés.
En effet, et c’est un élément important à réaliser: tu es la première génération à mettre en place une forme de parentalité nouvelle dont toi, tu n’as certainement pas bénéficié. J’imagine que tu as été élevée d’une manière classique comme tous les enfants de l’époque, ce qui est normal. Une époque par exemple où les « caprices » étaient malvenus. Où les colères « c’était pas bien ».
Alors, ça signifie que tes colères n’ont sans doute pas été accueillies, peut-être même n’avaient-elles pas le droit de s’exprimer si tu voulais rester une gentille fille qui fait plaisir à ces parents. (C’est pas beau la colère pour les filles !) Ce que je veux dire, c’est qu’en plus de n’être pas facile à supporter, les cris perçants et la crise de nos enfants peuvent nous ramener à un endroit en nous qui est désemparé, qui n’a pas été accueilli, qui a parfois même été jugé comme mauvais, voire qui a été nié, humilié. Alors, ce n’est plus l’adulte que nous sommes qui peut gérer la situation, mais l’enfant désemparé, en colère et perdu en nous qui se met aux commandes: il hurle lui aussi son désarroi! Ce n’est plus Coralie adulte et maman qui est aux commandes, mais la petite Coralie qui a 2 ans, 4 ans, peut-être moins ….qui n’a pas pu être rassurée, ni accueillie dans ce raz-de-marée émotionnel qui s’est emparée d’elle !
Car la crise de colère de ton petit a réactivé un réseau de mémoire en toi, une part blessée qui n’a pu être rassurée et qui continue de se manifester et de prendre les commandes lorsque la blessure est réactivée.
Nous avons tous en nous des parts blessées, prêtes à se réactiver et à nous faire agir d’une manière que nous ne comprenons plus une fois calmés.
La seule solution (en plus d’appliquer les trucs proposés par les articles de parentalité positive) est de pratiquer ….la parentalité Positive sur toi-même. Enfin, sur la toute petite fille qui est en toi et qui n’a pas la maturité psychologique pour affronter ses émotions (elle n’a que 2 ans, 4 ans,… oui car ces parts blessées en nous sont restées à leur niveau de développement psychologique de l’âge où elles se sont produites). De la rassurer lorsqu’elle se manifeste, de l’accueillir, de lui dire que tout ça n’est pas grave, qu’elle peut être aimée, même lorsqu’elle est très en colère, que c’est une émotion comme une autre, qui va s’apaiser. De faire avec elle ce que tu te proposes de faire pour tes propres enfants parce que tu les aimes très fort. La petite Coralie aussi a besoin de cet amour..
Encore une chose plus facile à dire qu’à faire, me diras-tu…
Bien sûr, mais encore une fois, on place l’intention et on essaie. Ça ne marche pas, ou ça marche un tout petit peu…et on recommence en se félicitant des avancées, même minimes. Qu’est-ce que j’ai réussi aujourd’hui ? Qu’est-ce qui m’a aidée ? Ou bien qu’est-ce qui s’est passé aujourd’hui qui m’a empêché de mettre en place ce que je voulais ? Comment éviter cet écueil la prochaine fois ? Et d’abord est-ce que je suis d’accord pour accueillir cette part de moi désemparée, que je juge parfois moi-même très vilaine (j’ai intégré ce qu’on m’a dit à l’époque), est-ce que je suis prête à la prendre en imagination dans mes bras et faire pour elle ce que, de tout mon cœur, je souhaite faire pour mes enfants ? Je me dis que j’apprends et que ce n’est pas facile, j’accepte de ne pas réussir tout de suite, mais quand je rate, cette fois-ci, j’accueille aussi la maman désemparée que je suis à cet instant, je ne la juge pas, je sais qu’elle met tout son cœur et toute son âme à donner le meilleur d’elle-même à ses enfants.
Ce n’est pas magique, mais c’est passionnant de tenter de se « réparer » et de lever toutes les exigences qu’on s’impose en écrasant encore et toujours les parties de nous en plein désarroi. Plus on les écrase, plus elles se manifestent car le désir de vie est le plus fort
Aussi, je t’invite à pratiquer ce « re-parenting » sur toi même. Ben voilà, tu as un enfant de plus à t’occuper !!
Je t’embrasse, Coralie
Prends bien soin de toi.
Michèle »